La réalisation de travaux dans les forêts de protection est désormais plus aisée. Un décret, paru le 31 décembre au Journal officiel, assouplit le statut le plus protecteur de la forêt française. Ce statut concerne environ 168 000 hectares, soit environ 1 % de la surface de la forêt française, principalement situés en zones de montagne et en périphérie des grandes agglomérations. Il interdit en principe tout défrichement et tout changement d'affectation des sols.
« En l'état actuel du droit, expliquait le ministère de l'Agriculture lors de la mise en consultation du projet de décret en avril 2023, le classement comme forêt de protection d'un massif rend impossible la réalisation de certains travaux – à l'exception de ceux indispensables pour la gestion forestière courante exercée par le propriétaire, de ceux relatifs à la recherche d'eau (2012), à des fouilles et sondages archéologiques (2018) et à la recherche ou l'exploitation souterraine de gisements d'intérêt national de gypse (2018) –, sans devoir recourir au préalable au déclassement des parcelles concernées. »
Déclassement par décret simple
Ce régime était jugé trop contraignant par le Gouvernement, qui l'assouplit sur plusieurs points. En premier lieu, le décret facilite la procédure de déclassement des forêts de protection en permettant au ministre chargé des Forêts, soit le ministère de l'Agriculture, d'y procéder par un décret simple et non plus par un décret en Conseil d'État. L'objectif est de corriger des erreurs manifestes telles que la présence de parcelles non boisées dans le périmètre classé ou de réaliser des projets « aussi dignes d'intérêt que la protection de la forêt » tels que la sécurité routière, avait expliqué le ministère. La procédure d'information et de consultation du public, « notamment à travers une enquête publique », n'est pas modifiée, veut rassurer ce dernier pour donner suite aux 96,5 % d'avis défavorables du public recueillis sur cette modification de procédure.
La rue de Varenne a, en revanche, réduit la surface de forêt déclassable à la suite de cette consultation. Selon la rédaction retenue, le ministre chargé des Forêts peut déclasser des parcelles « dont la somme des surfaces est inférieure ou égale à 2 % de la superficie totale cumulée de la forêt de protection à la date du classement initial, dans la limite de 100 hectares au total, dès lors que le déclassement ne compromet pas les enjeux qui ont motivé le classement initial ».
Travaux sous régime déclaratif
Outre les équipements liés à la mise en valeur et à la protection de la forêt, ainsi qu'à la restauration des habitats naturels et au rétablissement des continuités écologiques, les propriétaires des parcelles peuvent désormais engager les travaux nécessaires à la prévention des risques naturels ou pour « créer des équipements légers indispensables à l'accueil du public, hors installations touristiques à caractère économique ». Le décret rend également possibles « les travaux de surveillance, d'entretien, de remplacement et de maintenance relatifs à des canalisations, des réseaux enterrés d'eau, d'électricité ou des réseaux filaires ».
Travaux sous régime d'autorisation préfectorale
Enfin, le décret ouvre la possibilité de réaliser, sous un régime d'autorisation préfectorale, certains travaux ou d'implanter des équipements ponctuels, autres que ceux strictement indispensables à la gestion forestière multifonctionnelle. Sont concernés des travaux d'extension de bâtiments existants ; d'aménagements légers, de moins de 50 m2, nécessaires à l'exercice des activités agricoles, pastorales et forestières ; de travaux nécessaires à la réalisation d'un projet d'utilité publique ou à l'aménagement d'une infrastructure publique, tous deux situés en dehors d'une forêt de protection ; d'implantation de canalisations, de réseaux enterrés d'eau ou d'électricité ou de réseaux filaires, y compris de téléphonie, à condition « qu'ils soient réalisés sur des emprises non boisées déjà existantes, qu'ils ne puissent être réalisés ailleurs qu'en forêt de protection et qu'ils correspondent à des nécessités techniques, avec remise en état des terrains à l'issue des travaux ».
À la suite de la consultation publique, le ministère de l'Agriculture a toutefois supprimé du texte les dispositions permettant l'implantation de canalisations de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques, reconnaissant les « conséquences dramatiques » que pourraient occasionner d'éventuelles fuites de ce type de produits.
« Ces dispositions garantissent un impact minimisé et la remise en état des terrains pour les travaux effectués sur des emprises temporaires. Elles rappellent les analyses d'incidences exigées au titre du code de l'environnement. Sont prévues les consultations du conseil scientifique régional du patrimoine et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (formations nature et paysage), avec silence gardé par le préfet qui vaut rejet », tente de rassurer par ailleurs le ministère. Car, comme il le relève dans la synthèse de la consultation du public qu'il a effectuée, celle-ci est « marquée par des avis majoritairement défavorables au projet de décret ».